mardi 23 septembre 2014

La  nostalgie  du  pays

Mon meilleur ami russe me raconta l’anecdote suivante.

Oleg et Michael se promenaient sur Brighton Beach – une plage située au Sud de Brooklyn, fréquentée par beaucoup de Juifs russes.
Quand soudain Michael dit à Oleg : « Qu’est- ce qu’on était bien en Russie, je me souviens encore des grandes avenues de Moscou, son théâtre le Bolchoï etc. Oui je sais, tout n’était pas parfait, ici à New York la vie est différente, voir même meilleure, mais tout de même je suis nostalgique de la Russie. Et toi Oleg tu ne dis rien ? Tu n’es pas nostalgique du pays qui t’a fait grandir ? »
Et Oleg de répondre à Michael : « Non, je ne suis pas nostalgique, je ne suis pas juif ! »


Cette anecdote ne quitte pas mon esprit depuis que j’ai lu l’éditorialiste de l’Express Christophe Barbier sur « Les juifs ont-ils raison d’avoir peur ? ».

Ma première réaction n’était certainement pas de répondre par oui ou non, mais bien de me demander pour qui se monsieur se prend ? Il se permet d’affirmer que nous – je me sens forcément inclus – avons peur et par conséquent, ose s’interroger si nous avons raison...
L’outrecuidance de juger de nos motivations est en soi une insolence. Car, premièrement, on peut considérer que notre expérience de l’histoire démontre que nous avons bien souvent raison avant les autres, quand il s’agit de sentir les dangers géopolitiques, et nos prophéties s’avèrent généralement plus pertinentes que les analyses d’une presse qui n’a d’autre vocation que celle de vendre du papier sur notre dos.

Mais là n’est pas vraiment le sujet...

Puis, ce que M. Barbier n’a pas compris, mais qui est ressenti comme une évidence pour beaucoup de Juifs, c’est que « la peur » n’est pas un sentiment qui habite notre peuple. Le peuple juif n’a pas peur, parce que, depuis la nuit des temps, nous vivons avec la promesse de la Torah : « Ne crains rien car l’Eternel ton D.ieu te protège ». Notre confiance en D.ieu est bien plus forte que la peur !
Vous allez me dire, mais si nous n’avons pas peur, quel est donc le problème des Juifs de France et globalement d’Europe ?


La réponse est plus subtile...

Les Juifs souffrent de nostalgie !

La nostalgie est un sentiment de tristesse causé par le désir de revivre un souvenir passé.
Les Juifs sont de grands démocrates, ils aiment la liberté, ils s’impliquent pour vivre en société, ils donnent leur avis sur tout, ils pensent, ils créent, ils se passionnent à imaginer le futur, ils savent appréhender les difficultés, ils ont du courage, ils n’ont pas peur de prendre des risques, ils éduquent leurs enfants avec le sens de l’effort et de la construction d’un avenir.

Cela ne veut pas dire qu’ils réussissent à chaque fois, mais il est évident que pour le peuple juif, le développement d’une société florissante et de son destin est une préoccupation majeure.

Or, les Juifs prennent conscience aujourd’hui d’une situation qui les rend nostalgiques. Le rêve français – s’il a un jour existé – est à ce jour bien endormi. La société d’intégration est un échec. La liberté des Juifs se limite dangereusement. L’affirmation d’une opinion favorable à Israël devient presque un délit. Le principe sacré de la démocratie qui doit être la pierre angulaire de nos valeurs, s’effrite.
En fait, que notre pays prenne position contre Israël, que la France et les grands médias ne comprennent pas que l’agresseur n’est pas Israël, pourrait à la limite se comprendre par les pressions et le vent international anti-israélien qui souffle sporadiquement mais sûrement. Mais que nos hommes politiques et que les médias mettent sur le même piédestal Israël et un mouvement terroriste sanguinaire tel que le Hamas, il y a là une ligne morale qu’un pays démocratique tel que la France ne devrait pas franchir.
Que des antisémites crient dans la rue « mort aux Juifs » est intolérable, certes. Mais le pire est de manifester et d’entendre des mouvements politiques et syndicaux officiels appeler à rejoindre le mouvement tandis que celui-ci a été interdit. Il s’agit là d’une offense majeure à l’autorité de l’Etat. Et pourtant, aucune sanction exemplaire ni mesure de répression n’ont été prononcées...

Or, fondamentalement, un pays qui ne se donne pas les moyens de faire respecter ses propres décisions est un pays sans avenir !

Quant au conflit israélien lui-même, on critique souvent les médias d’omettre de mentionner qui viole les cessez-le-feu etc. Mais plus grave qu’un simple oubli chronologique, c’est une faute morale éclatante d’injustice qui saute aux yeux à travers les allégations mensongères et les reportages biaisés des journalistes. Quel est le pays dont la moralité condamne un acte quand il est perpétré par Israël, mais qui soudain le transforme en cas de légitime défense pour un conflit situé à quelques centaines de kilomètres d’Israël à peine ? La France, entre autres.
Où se trouve le curseur moral de nos valeurs ?
La France et les pays qui l’accompagnent ont-elles le monopole de la lutte contre le terrorisme ?


La faute morale est l’élément qui provoque chez les Juifs – et c’est parfaitement mon cas – ce sentiment de nostalgie.


Je l’assume. Je suis nostalgique d’une France des valeurs. D’un pays qui ne change pas de virer de bord en fonction d’une manifestation, qui prend conscience des dangers que notre société court en renonçant à la lutte contre l’intégrisme.

Je suis nostalgique d’une France des libertés, où marcher dans la rue avec une Kippa ne fait pas de moi une cible avec le sentiment de mettre en danger mon intégrité physique.
Je suis nostalgique d’une France qui affichait – jadis – fièrement son amour pour Israël, symbole du seul couloir étatique de toute la région, partageant les mêmes valeurs que notre devise nationale.

Portant dans mes gènes 2000 ans d’errances, de menaces, de persécutions, d’expulsions et de massacres, j’ai développé une sensibilité qui fait de moi un être particulièrement réceptif aux changements de courants... A l’image des marins qui, au nez, savent de quel côté le vent va tourner !

Notre barque « France » s’éloigne du port de la République. La nostalgie devient de plus en plus intense. Certains se sont déjà jetés à l’eau pour nager vers des eaux plus plaisantes. 

CARNET DE VOYAGE : SUR LES TRACES DE LA SHOAH PAR BALLES

Article publié sur le site du Consistoire Israélite du Bas-Rhin
http://www.cibr.fr/nodeorder/term/1/carnet-de-voyage-mendel-samama-sur-les-traces-de-la-shoah-par-balles

Mi-avril avril, le Rabbin strasbourgeois, Mendel Samama, était en Ukraine pour participer à une mission de l’association Yahad In Unum au sein de laquelle il est engagée. A Korosten, précisément, aux côtés du Père Patrick Desbois, il est allé sur les traces de la Shoah par balles qui a tué un million et demi de juifs et de Tziganes en Europe de l’Est entre 1941 et 1944. Son récit, passionnant, nous permet de mesurer l’étendue de sa mission et, surtout, les émotions ressenties.
Pour moi, voyageur assez régulier entre l’Europe, la France et les pays de l’Est et l’Ukraine, il y a un avant et un après l’Euro 2013. Car même si le football n’est pas trop mon truc, je dois reconnaître que beaucoup de choses ont changé depuis. Le nouvel aéroport de Kiev, les routes refaites avec un bitume sans trous… tout cela rend l’atterrissage beaucoup plus agréable !
Mais il faut en profiter car ce sentiment ne dure jamais très longtemps. Au moins dans mon cas.
Après trois heures de route en voiture vers l’Ouest, me voilà arrivé à Korosten, petite ville du district de Zythomir dans un hôtel à l’allure soviétique, avec son long couloir et ses deux rangées de chambres sans fioritures de part et d’autres.
L’installation commence toujours par mettre au frigo la nourriture prévue pour les trois jours. Sauf que cette fois-ci, pas de chance,  ma chambre ne comporte pas le moindre équipement de ce type. Il va falloir attendre que l’équipe – déjà sur place depuis quelques jours et au travail - rentre du terrain pour obtenir de la réception soit un changement de chambre, soit l’installation d’un frigo dans la mienne.
Entre temps je demande du Wifi. On me dit qu’il n’y en a pas. Décidément, ce séjour commence bien…

LUNDI 22 AVRIL

Ici, pas besoin de réveil,  il n’y a ni volets ni même rideaux opaques et au-delà de 6 heures, il devient difficile de dormir. Douche, Tefila, petit déjeuner et organisation du travail pour la journée, voilà le programme de la matinée.
Geoffroy le chef d’équipe nous attend à 8h30 pour le départ.
À 10h15 nous arrivons dans le petit village de Ouchomir. Nous nous rendons chez un premier témoin, Trosky Saleyevitch. Né en 1931, il travaillait en 1939 dans une coopération et 150 juifs travaillaient dans les ateliers de l’État. Il se souvient qu’avant la guerre, les juifs habitaient au centre-ville. À l’époque il y avait deux conseils ruraux, l’un pour les Ukrainiens et l’autre pour les juifs, dirigé par un certain M. Leichman.
Il se souvient aussi de la famille Landman, leurs filles Frima et Shurka. Le père était commerçant. En face du club (lieu de rencontre et de jeux), à côté du marché, il y avait une synagogue en bois.
Lors de l’arrivée des Allemands,  le 8 août 1941, il était à Ouchomir. Il a vu les Allemands rassembler les juifs du village dans l’hôpital puis les fusiller. Selon lui, la plupart avaient toutefois quitté la ville avant l’occupation, en fuyant par le train en direction de Tachkent. Quant à leurs maisons, elles ont généralement été détruites par les voisins qui espéraient y trouver des bijoux et autres objets de valeur, que les juifs étaient supposés avoir enfoui dans la terre.
Une dizaine de juifs, artisans connus du village, ont réussi à se cacher dans une cave quelques jours. Mais une personne les a dénoncés aux Allemands. Comme ils refusaient de sortir, les Allemands ont jeté de la paille enflammée dans la cave. Ils ont été fusillés près de la rivière. Selon ce témoin, quelques années plus tard, les corps ont été exhumés et enterrés dans le cimetière juif.
Nous nous rendons alors sur le lieu de la fusillade, où nous savons que les juifs ont eux-mêmes creusé la fosse.
Nous faisons ensuite la connaissance d’un historien qui dit avoir enquêté sur l’histoire des juifs et des disparus pendant la guerre. Il parle beaucoup, veut raconter ce qu’il sait, mais il est beaucoup trop jeune pour avoir pu en être le témoin...
Le témoin Anthon Gergorewitch, né en 1924 dans le village Krotsnopil, nous en apprend davantage. Quand la guerre a commencé, il était dans un village à 10 km à l’ouest. Il se souvient très bien des juifs, il voulait même se marier avec une de leurs filles. Mais Mania, celle qu’il aimé et avec laquelle il voulait se marier, a disparu.
Dans sa classe à l’école, il y avait 13 enfants juifs. Il se souvient des Matsot que les juifs mangeaient à Péssa’h et des Tefilin que les juifs mettaient sur le bras. Les mariages mixtes existaient, M. Gershman s’est marié avec une Ukrainienne.
Après le déjeuner, nous poursuivons avec la visite du cimetière de la ville en compagnie du maire, une femme. Elle nous explique que certains juifs sont revenus après la guerre, d’autres ont maintenant de la famille en Israël. Ceci explique le fait qu’une partie du cimetière soit plus récente que l’autre.
Il n’a pas l’air réellement en danger, la mairie a l’air d’y faire un peu attention, d’autant plus qu’il se trouve en face de l’autre cimetière de la ville.
Pourtant, j’ai trouvé deux grandes croix dans une partie un peu retirée entre deux tombes juives. Elles n’y sont plus aujourd’hui. Elles ont été retirées par mes soins.
Le problème, c’est le long terme. Si l’agriculteur dont les champs s’étendent un peu plus loin veut dans quelques années rogner une partie du cimetière, qui l’en empêchera ? Pour cela, il faudrait le délimiter avec une barrière. La mairie ne semble pas avoir l’argent pour le faire et le coût est d’environ 1000 $. Je prends les coordonnées de la mairie, en espérant que nous trouverons une solution.
Nous changeons de village et nous nous rendons à Koupychtcha. Un témoin nous raconte en détail les événements de l’été 42. Il s’appelle M. Federowsky. Né en 1928, il avait alors 14 ans. Par chance, il a le goût de l’histoire et se souvient parfaitement de son déroulement.
Des juifs hongrois ont été forcés de rester dans une écurie. Il a fait du troc avec eux pendant quelques jours, il apportait du lait et du pain à l’ail, en échange d’une montre ou d’un couteau.
Un soir vers 2h du matin, il a été réveillé par une lumière qu’il a observée de son lit – celui-ci faisait face à la fenêtre. C’était l’écurie qui brûlait. Les Allemands ou les soldats hongrois (il ne sait pas) ont allumé l’incendie et 800 juifs y sont morts dans des cris atroces. Ceux qui ont tenté de se sauver par la seule issue qui restait se sont fait fusiller.
Seuls 15 ont été épargnés, dans le seul but de leur faire creuser une fosse et d’y disposer les restes des corps. Une fois le travail accompli, ils y sont descendus à leur tour et ont été tués d’une balle.
Aujourd’hui il ne reste plus aucune trace de ce drame. Après la guerre, le terrain a été utilisé pour faire paître les vaches. Un monument a été érigé un peu plus loin en 2005 par plusieurs organisations mais il se trouve à 300 mètres du lieu réel de la fosse, plus proche de la route, la raison sans doute du choix de cet emplacement. Ce monument est très particulier : il est composé de huit pierres symbolisant les 800 morts, et sur chacune sont listés les noms et prénoms des victimes.
Quant à l’emplacement lui-même, c’est désormais un terrain vague, donc sans risques.
Je cherche des noms familiers et en retrouve quelques uns : Adler, Landau, Ehrenreich, d’autres encore, je prends des photos. Je me dis que je vais peut être pouvoir aider une personne à la recherche des traces de sa famille. Je compte aussi plusieurs fois mon prénom, Mendel.
En rentrant, je constate que l’ambiance est plutôt légère. Le contraste est étonnant entre le sérieux avec lequel chacun aborde ce travail difficile pendant la journée, et le relâchement une fois la journée de travail achevée... Comme si nous cherchions à quitter ce monde de barbares dans lequel nous étions plongés pour un autre plus humain... Comme si la blague, ou l'histoire de famille opportunément racontée par l'un de nous nous permettait de renouer avec notre humanité...

MARDI 23 AVRIL
Départ vers 8h45 pour la ville de Olevsk, légèrement plus au nord que les villages précédents.
Quelqu'un nous indique que les juifs de la ville ont été fusillés un peu en dehors de la ville, dans le village de Varvarivka. Nous retrouvons la fosse grâce au grand monument qui y a été construit et sur lequel est précisé que « plus de 900 juifs homme, femmes et enfants ont étaient tués ici au bord de la rivière le 15 novembre 1941 ».
Nous découvrons notre premier témoin, une dame de 86 ans qui nous raconte que certains des juifs n'ont pas été tués par balle, mais à coups de pelles... Nous nous rendons avec elle sur les lieux. Mais cette fois, je ne descends pas du camion. Je ne veux pas. Au fond de moi, quelque chose me dit « stop, ça suffit ». Combien de fois vais-je encore devoir subir ces descriptions atroces, ces récits d'enfants assassinés ? L'envie de pleurer m'étreint la gorge... Jusqu’à quand ? Notre peuple qui a déjà tant souffert va-t-il encore souffrir ? Combien de temps ?
Ce n’est pas une lassitude, une envie de tout arrêter, je sais que ce travail important et unique. Que si je suis là c’est pour une mission à accomplir ! Mais je pense à ces enfants, ces bébés… J’ai envie de rentrer et de serrer les miens contre mon cœur.
Ce sentiment surgit parfois, et parfois il ne vient pas. Mais là j’ai un poids. Je sais que dans l’équipe, nous travaillons comme des historiens, en prenant la distance nécessaire avec les récits et les événements. Mais ce n’est pas la même chose pour moi. Parce que ces évènements ont concerné des juifs, ce n'est pas pour moi seulement l'histoire avec un grand H, c’est aussi mon histoire, c’est nous, c’est mon peuple, c’est mon frère, ma sœur, mes enfants... Je n'arrive pas toujours à écouter avec détachement, à demander de préciser un détail que je suis incapable d’entendre. Le chef d’équipe, lui, doit les demander, il doit faire son travail, chercher, enquêter...  Parfois c’est pour moi plus difficile, parce que je m’identifie à cette histoire qui n’est pas uniquement celle d’il y’a 70 ans ou plus, mais que je sens encore très présente... Dans ces moments-là, je reste dans le camion, j'écris, j'écoute de la musique, je me protège. J’irai les rejoindre dans un moment quand mon cœur me dira que c’est le moment de le faire...
Lorsque finalement je les rejoins, nous approchons de la fin. Mais j'entends l’essentiel. Ce ne sont pas les Allemands qui ont tué, mais les policiers (locaux). La vieille dame raconte qu’elle a vu les juifs marcher, subissant toutes sortes d'humiliations, contraints de ramper, manger de l’herbe. Parfois, les bourreaux brûlaient les barbes de ceux qui ne marchaient pas assez vite.... Lors de la fusillade, les enfants ont dû sauter sur les corps, puis ils ont été frappés à coups de pelles, jusqu’à la mort.
Il y a deux fosses. Le témoin raconte que lors du passage de la colonne son père a reconnu un juif qui marchait avec sa fille. Il a alors attiré la petite pour la cacher dans la jupe de sa propre fille (devenue cette vieille dame aux souvenirs bien vivaces). Cachée pendant 2 mois dans la forêt, la petite fille a survécu à la guerre. C’est le petit rayon de soleil de la journée. Une petite fille sauvée. Qui sauve une vie sauve un monde.
L’après-midi nous allons dans un autre village avoisinant à la recherche de témoins. Mais il n’y a plus grand monde. Nous ne trouvons qu'un vieux monsieur qui, malgré son apparence, dépasse les 88 ans. Il n’a pas vu les juifs en colonnes, les quelques familles du village l’ayant quitté avant l’arrivée des Allemands. Mais il se souvient des policiers qui ont violé une fille, Zlata. Il revoit encore cette scène macabre, et ces policiers qui organisent une sorte de "tournante" malgré les pleurs et les supplications de la mère.
De ces divers témoignages ressort clairement la méchanceté des policiers ukrainiens, une méchanceté qui dépasse la cruauté. L’excès de zèle dont ils se sont rendus coupables est inqualifiable.
La journée se termine avec ce témoin. Elle se termine, mais pas pour tout le monde : je laisse l'équipe derrière moi, continuer le travail entamé. Je dois rentrer pour prendre ma valise et voyager pour Kiev où demain matin j’ai le vol à 6h40 pour Paris. Trois heures de route pour faire le bilan de ces deux jours.
D’un côté je suis tellement soulagé de pouvoir rentrer à la maison, d’un autre je pars avec le sentiment d'une tâche qui ne sera certainement jamais achevée. Qui voudra mettre suffisamment d’argent pour protéger les cimetières, les fosses ? Qui prendra en charge le suivi des travaux ? C’est le travail d’une vie.
Mais qui est responsable de cette situation ? L’homme ? La communauté juive ?
En rentrant de ces voyages, j’emporte avec moi beaucoup plus de questions que de réponses. Des questions qui ne concernent pas seulement l’histoire, parce qu’elle nous dépasse, parce qu'elle n’est même pas de l’ordre du questionnement, mais de l’énigme, du mystère. Mes questions touchent à notre devoir à nous, notre mission, la grandeur de notre investissement. Et pas seulement cette mission en Ukraine, en Russie et ailleurs, mais plus généralement notre mission dans la vie. Pourquoi avons-nous la chance de vivre là librement ?
Mais je rentre aussi convaincu de l'importance de démontrer à notre peuple et à ceux qui nous observent que la vie prime, qu'elle doit être le centre de notre intérêt. Pas n’importe quelle vie, celle qui fait de nous des êtres vivants avec un sens et une raison d’être et, à mes yeux, cela passe nécessairement par la transmission des valeurs de la Torah et des Mitsvots.
Pour le reste, j’attends de pieds ferme le jour où on verra se relever nos frères et sœurs, lors de la rédemption finale et de la venue du Machia’h, que j'espère pour très bientôt. Amen.