vendredi 17 janvier 2014

L’homme est-il vraiment un arbre des champs ?

Il est vrai que le Nouvel An des arbres – Tou Bichvat – fait figure de fête à la mode tant la tendance actuelle prône un retour à la nature et à l’écologie. Mais peut-être que derrière cette célébration et la forte symbolique qu’elle évoque se cristallisent les qualités auxquelles l’homme doit aspirer. N’est-ce pas le verset du Deutéronome (20,19) qui définit le concept en énonçant : « Car l’homme est un arbre des champs ».

Certes, l’image est belle… Mais pourquoi l’homme ne serait-il pas comparé à un épi de blé ou à un champ de maïs ?

Les métaphores dans la Torah ne sont pas de simples allégories ni des figures de style poétiques, elles recèlent plutôt de très fortes similitudes dont l’objectif est d’éclairer les voies de l’homme.

Ainsi, en observant le cycle de l’arbre, son milieu et sa constitution, nous allons tenter de décrypter ces parallélismes et nous inspirer concrètement de ces symboles. Quelles caractéristiques de l’arbre peuvent présenter un rapprochement et un intérêt chez l’homme ?    

1.     Il est impossible d’imaginer un arbre sans son feuillage dense et ses grosses racines profondément ancrées dans la terre. Ce sont elles qui supportent le poids de l’arbre et d’où est puisée toute la vitalité  dont se nourrit chaque branche ou bourgeon, jusqu’aux fruits qui sont amenés à pousser.
Il en est ainsi pour l’homme imaginé par la Torah : il ne peut pousser de rien, sans de solides racines. Impensable donc de s’inventer totalement affranchi, sans passé ni tradition, car l’homme est enraciné dans une histoire, dans une filiation. Il n’est finalement que le maillon d’une chaine qu’il doit préserver afin de s’assurer de la poursuite de la construction des générations futures.

2.     Un arbre, à la différence d’un épi de blé, a besoin de temps pour mûrir et se développer. Il ne peut donner satisfaction en une année ou une saison comme pour le plant de blé. Pour autant, sous prétexte qu’il ne sera consommable que plusieurs années après avoir été semé, on ne peut s’exempter d’en prendre soin depuis le premier jour.
Quelle belle leçon d’éducation pour l’homme ! Nous devons accepter ce processus long et parfois répétitif qui voit l’enfant grandir et s’épanouir au fil du temps. Cette période peut être plus laborieuse que prévue, mais une grande dose de patience est nécessaire, et de cet investissement pour l’avenir dépend la destinée de notre famille, de nos enfants ou de notre communauté. Certes, ce travail démarre dès le plus jeune âge et il faut se faire à l’idée que les fruits ne seront pas visibles dans l’immédiat, mais bien plus tard, à force d’implication et de soin, tel l’arbre qui demande amour et persévérance.

3.     La qualité d’un arbre et l’appréciation de son environnement se font à travers ses fruits. Ils sont le témoin du climat, de l’ensoleillement et des attentions qui lui ont été apportées. Par ailleurs, le fruit est avant tout un produit de consommation pour l’autre, c’est un objet de partage. Un arbre sans fruit est « un arbre égoïste ».
Tiens donc ! Comment l’homme peut-il prétendre se cultiver, grandir et s’enrichir sans engendrer de fruits, de productions positives, qui démontrent ses qualités profondes ? Sans un comportement adéquat, l’homme vertueux qui ne transmet pas sa richesse intérieure serait tel un arbre sans fruits.
Le fruit est également le signe du partage de celui qui ne fait pas uniquement grossir son propre capital, mais qui sait produire pour autrui, le nourrir et dispenser ses bienfaits.

Ainsi l’homme est un arbre des champs…  Conscient de ses racines millénaires, il doit s’investir pleinement dans la construction généalogique et communautaire qui perpétuera la tradition avec patience et énergie. Enfin, il faut garder à l’esprit que sans altruisme et sans partage, le plus bel arbre de la terre ne sera jamais autant loué qu’un fruit juteux gorgé de soleil tombant d’un arbre dans la main d’une personne assoiffée.

Et si nous devions différencier l’arbre de l’homme, il nous suffit d’évoquer la pensée du Maharal qui expliquait que l’homme est un arbre, certes, mais à l’envers, avec ses racines qui ne sont pas plantées dans la terre mais dans le ciel !

N’est-ce pas là l’espoir de pouvoir chaque jour modifier l’orientation de notre branchage ?

RAISONS DU CŒUR



Au fil des siècles et des civilisations, les hommes ont toujours recherché des similarités entre eux afin de se lier en fédération, en coopérative ou toute autre forme de société. Ils ont ainsi adopté une cause collective, un dénominateur commun, un combat national ou se tout simplement unifiés pour mieux se défendre, parce que l’union a toujours fait la force.

Mais quel est le véritable aboutissement de cet idéal d’union ?

Examinons deux cas concrets d’union que rapporte la Torah. Tout d’abord, il y a eu les Egyptiens qui poursuivirent les Hébreux après leur départ d’Egypte, et dont on sait qu’ils périrent noyés dans la mer.
La Torah dit (Exode 14, 10) : « Les enfants d’Israël levèrent les yeux et voici que l'Egyptien était à leur poursuite ». Le texte évoque « l’Egyptien » au singulier, car ils avaient fait preuve d’union. Or, ce peuple, qui n’était nullement sensible à l’égalité des statuts et des individus, se retrouva alors dans une telle communion, que la Torah se vit obligée d’en témoigner en le désignant comme un seul homme.
Cela peut sembler étonnant, pourtant quelque chose les a, bel et bien, poussé à se réunir. Quel était ce facteur, cette force qui les a fédérés ? 
Le verset explique clairement que c’était la chasse derrière Israël qui les motivait. Même s’ils ne ressentaient pas vraiment de sentiments fraternels les uns envers les autres, ils s’accordaient tous néanmoins, en ayant la haine des juifs et en partageant l’antisémitisme.
Par la suite, apparaît dans notre Paracha Yitro, une autre illustration d’union exemplaire. Au pied du Mont Sinaï, avant de recevoir la Torah, le verset mentionne (Exode 19, 2) : « Israël y campa en face de la montagne ». Là encore, c’est un verbe au singulier qui est utilisé. 
Certes, d’autres circonstances et quelques épisodes ont montré, à diverses reprises, des clivages et des conflits d’opinions au sein du peuple juif. Néanmoins, ici, les enfants d’Israël étaient considérés tel un seul homme, tant ils ont fait preuve d’unité véritable et d’un amour fraternel profond. Comment cet amour s’est-il soudain dévoilé ? 
En fait, la Torah fournit une indication sur cette attitude en précisant « en face de la montagne ». Le Mont Sinaï fut le facteur révélateur qui permit une union extraordinaire parmi le peuple juif. Chacun prit conscience qu’il allait connaitre un moment crucial pour l’avenir et pour l’éternité ! Il s’agissait de recevoir la Torah et de vivre ensemble l’expérience du Mont Sinaï. C’est alors que fut scellé le sort commun du peuple juif.
De tout temps, les Juifs ont compris que des divergences de tempéraments sont inévitables, nous défendons avec force et sans compromission nos opinions, mais devant la montagne, nous avons prouvé et prouverons que nous sommes un seul homme ! Face à notre histoire, face à notre destin, face à l’alliance d’Israël, nous sommes tous unis et cette union est plus forte que les différends qui surgissent dans notre quotidien. Sachons garder les critères de notre amour « comme un seul homme, d’un seul cœur » (Rachi ibid).
A la différence d’autres qui se complaisent et s’unissent à travers la haine des Juifs,  l’union du peuple Juif est celle du partage d’un destin commun et surtout, hors du commun !