mercredi 13 novembre 2013

Ah si j’étais riche…

Sur la route qui ramène notre patriarche Yaakov vers la maison de son père Yits’hak, Yaakov doit régler une querelle familiale : son frère Essav vient à sa rencontre pour le tuer. La source de cette haine provient des bénédictions de leur père, desquelles Essav estime avoir été destitué au profit de Yaakov.
Afin d’amadouer son frère, Yaakov entreprend une démarche diplomatique en expliquant à Essav qu’il n’a pas de raison de lui tenir rancœur puisque les bénédictions n’ont pas eu l’effet escompté.
Il va ainsi lui tenir ces propos (avec le décryptage de Rashi) : J’ai séjourné chez Lavane, je ne suis devenu ni prince ni notable, j’étais comme un étranger, la bénédiction de ton père « Sois le maître de tes frères » ne s’est pas réalisée avec moi, tu n’as donc aucune raison de me haïr. Rashi poursuit en disant que les lettres du mot Garti – séjourné, ont la valeur numérique de 613, et Yaakov dit à son frère ; avec Lavane l’impie j’ai séjourné, mais j’ai gardé les 613 Mitsvot et n’ai pas appris de ses mauvaises actions.

Analysons un instant l’argumentation de Yaakov. Tout d’abord il cherche à atténuer la haine de son frère en minimisant l’impact des bénédictions paternelles et en lui démontrant qu’il n’était pas le riche notable que le destin lui réservait. Pourquoi donc le jalouser ou chercher son élimination ?
Par la suite, il lui parle de sa situation spirituelle qui n’a pas subi les influences néfastes de son oncle. Mais comment cet élément peut-il interpeler son frère ?
Essav ne revendique pas le monopole du mal, et la religion l’indiffère totalement. Ce qu’il recherche, c’est plutôt la gloire, la richesse et le statut social…  En quoi proclamer l’intégrité de Yaakov peut-il être un argument susceptible d’apaiser l’animosité de son frère ?

En réalité, Yaakov - qui était rentré à l’époque dans le top 5 des plus grandes fortunes mondiales - nous enseigne une leçon qui concerne chacun, et à chaque époque. Comment vivre dans un monde où les questions de possession, de richesse, et d’apparence semblent prépondérantes, tout en gardant une vie équilibrée en accord avec les principes religieux authentiques ? Comment peut-on être un juif pratiquant et en même temps gérer une multinationale avec plusieurs milliers de salariés ?

Et Yaakov d’énoncer : avec Lavane j’étais un étranger (Guer), même si j’ai séjourné chez lui où j’ai acquis fortune et célébrité, ces choses-là sont restées pour moi étrangères. Je n’ai jamais considéré cela comme l’essentiel de ma vie, ni comme le but intrinsèque de mon existence, car mon investissement le plus profond était consacré à la pratique des 613 Mitsvot. Et c’est précisément le fait de traiter les affaires matérielles avec détachement qui m’a permis de rester attacher aux Mitsvot.

Yaakov a ainsi relevé le challenge de concilier réussite professionnelle et épanouissement spirituel. En accordant la priorité à sa vie spirituelle, il a résolument choisi de considérer sa prospérité matérielle comme secondaire, tel un étranger qui ne s’installe jamais confortablement dans sa maison, mais qui a conscience de la précarité de sa situation et sait qu’il n’appartient pas à l’endroit où il se trouve. Ainsi, il peut démontrer à son frère que « non seulement je ne suis pas devenu le notable auxquelles les bénédictions me destinaient, mais il me sera impossible de le devenir puisque mon ambition et mon centre d’intérêt sont très loin de cela ! ».

Davantage encore qu’une leçon de management, Yaakov nous prodigue une véritable leçon de vie… 

vendredi 24 mai 2013

La réussite en deux clés


Qui a fabriqué la Ménora ? Moïse, Betsalel, D.ieu ou peut-être… personne?

La question n’est pas banale puisque même Rachi semble partagé dans son premier commentaire sur le verset (Nombres 8. 4.) : « Quant à la confection du candélabre, il était tout d'une pièce, en or; jusqu'à sa base, jusqu'à ses fleurs, c'était une seule pièce. D'après la forme que l'Éternel avait indiquée à Moïse, ainsi avait-on fabriqué le candélabre. »

Même si à priori le verset dit implicitement que c’est Moïse qui a fait le candélabre, le flou semble planer et Rachi reste énigmatique: « Ainsi il fit le candélabre : celui qui l’a fait ». A ce stade, non seulement Rachi ne répond pas à cette interrogation, mais il paraît même la renforcer !

Puis Rachi amène une seconde explication : « Et selon le Midrach Aggada : c’est par le Saint-Béni-soit-Il que le candélabre a été fait de lui-même ».

Comment comprendre un tel paradoxe ?  Si c’est D.ieu qui a construit le candélabre alors il ne s’est pas fait de lui-même ! Et si le candélabre s’est fait de lui-même, dans ce cas il aurait fallu dire qu’il a été le produit d’un miracle, sans rajouter que c’est D.ieu qui l’a fait…

Le Maharal explique que l’œuvre de la Ménora est tout à fait particulière car elle est le symbole de toutes ces choses difficiles pour l’homme, qui exigent du courage, beaucoup d’efforts, d’implication et de talent. Devant l’ampleur de l’ouvrage, il est aisé de se décourager et d’être en proie à de grands doutes… Comment la simple initiative d’un individu peut-elle connaître un couronnement glorieux ? Qui peut se prévaloir que le succès sera à la mesure du travail investi ?

Et le Maharal de poursuivre : « Moïse devait connaître le mode de fabrication de l’œuvre de la Ménora, il devait s’investir autant qu’il pouvait et D.ieu allait terminer le travail pour lui ».
C’est donc cette idée que souhaite transmettre Rachi grâce à la splendeur de la Ménora. Il nous livre les clés pour réussir une mission ardue :

La première qualité est de mettre du cœur à l’ouvrage, sans se mettre en avant. Comme Rachi l’a mentionné : « celui qui l’a fait », il faut ignorer le nom du maître d’œuvre. Non pas pour lui faire de l’ombre ou l’effacer, mais bien au contraire, dans l’objectif de pouvoir atteindre une dimension encore plus haute, résultant de son association avec D.ieu. Les fruits de cette coopération dépasseront de loin les efforts investis par l’homme. C’est pour cela que Rachi dit que le candélabre a été fait par D.ieu.

En fait, même l’artisan de ce succès – qui surpasse ses attentes et va bien au-delà de toutes ses forces – pourra alors constater que « ça s’est fait tout seul » !

La Michna dans les Pirké Avot (Ch. 2, Mich. 16) abonde en ce sens : « Tu n’es pas tenu de terminer le travail, mais tu n’es pas libre de t’en dispenser ».
Prenez des initiatives, ayez le courage d’agir et D.ieu fera briller la lumière de vos efforts !