vendredi 4 février 2011

Le petit Palais d’un grand Roi


Dans l’imaginaire collectif, le palais d’un Roi doit être à la hauteur de son prestige. Louis XIV a bien résidé dans les 67 000 m2 de Versailles avec ses 700 chambres, un symbole de l’apogée de la royauté française. Il est effectivement impensable d’envisager qu’un Roi s’installe dans un 150m2 au 3ème étage d’une tour dans un quartier mal famé.
Et pourtant, dans la section de la Torah lue cette semaine, le plus grand des rois, celui que la tradition aime à appeler « Le Roi des rois », demande de faire construire pour Lui un palais afin qu’Il puisse résider parmi le Peuple d’Israël. Entre autres caractéristiques, il fallait qu’il soit facile à transporter dans le désert, puisque l’odyssée vers la Terre Promise allait être riche en rebondissements.
Mais quelle n’est pas notre surprise lorsque nous constatons que ce palais royal n’est en rien à l’image de la grandeur du Roi… Comment cet édifice peut-il refléter le prestige du Souverain Suprême alors que le lieu le plus important de Son palais, « le Saint des Saints », ne mesure que la modeste superficie d’environ 25m2 ?
L’Arche Sainte que nous imaginons être une œuvre d’art unique en son genre, par sa taille, sa beauté et son raffinement extrême, n’est en réalité qu’une pièce bien modeste : 125 centimètres de longueur, pour une largeur de 75 centimètres. Les dimensions évoquées prêtent à sourire, frisent presque le ridicule !

Mais à bien y réfléchir, ce passage de la Torah traitant de la construction du Tabernacle révèle une bouleversante leçon d’humanité.
Ces dernières semaines, nous avons pu vivre les épisodes du don de la Torah, puis l’enseignement d’une partie essentielle de ses lois. Tant de principes de vie, tant de préceptes et d’implications quotidiennes…. Pourtant, qui n’a jamais douté de la valeur de ses actes ? Cela change-t-il quelque chose pour D-ieu si je travaille Chabbath ou si je ne mange pas uniquement tel aliment autorisé ou cuisiné de la sorte ? D-ieu est trop grand pour s’intéresser à une si petite question, venant de la part d’un individu aussi insignifiant que moi !
Lui qui est à l’origine de la création du monde, omnipotent, frappant l’Egypte, ouvrant la mer ; il serait dérisoire d’imaginer qu’Il attache une importance quelconque à la taille de mon boîtier de Tefillin qui le rende cacher ou pas. Comment imaginer que ce D-ieu puisse s’embarrasser de tels détails ?

C’est alors que ces interrogations doivent se dissiper : D-ieu demanda au peuple d’édifier pour Lui une résidence principale sur cette terre. Nous aurions pu la construire grandiose et majestueuse. Mais Ses instructions n’allaient pas dans le sens de l’opulence et l’étalage, bien au contraire, tout y était juste et à dimension humaine, comme pour nous signifier que notre D-ieu recherche le perfectionnement de la condition humaine, qui s’exprime justement et essentiellement à travers les détails et la délicatesse des éléments souvent considérés à tort comme secondaires.
Parce que le perfectionnement n’existe que dans le détail, le Tabernacle est à l’image de l’attente de D-ieu envers l’homme.

Vous savez que les Suisses estiment que « le diable se cache dans les détails », les enfants d’Israël, eux,  ont appris dans le désert qu’en réalité « D.ieu se cache dans les détails » !

lundi 31 janvier 2011

Les enjeux du jeu


A propos du verset de notre Paracha (Exode 23.1) « Ne sois pas complice d’un méchant, en servant de témoin à l’iniquité » le Rambam énonce, dans les lois concernant les témoignages (Hala’hot Edout chapitre 10), que les joueurs (aux dés, cartes etc.) sont déchus du droit de témoigner.
La raison invoquée (reprenant les arguments du Talmud dans le Traité Sanhedrine 33b) est que le joueur néglige le « Yichouv Haolam », la maintenance du monde.
Quel est ce devoir de permettre au monde de se maintenir ?
Le Tour, grand décisionnaire de la fin du 13ème siècle, écrit (‘Hochen Michpat 33) qu’en raison des gains rapides que peut amasser un joueur, celui-ci perd la notion de la fatigue normalement nécessaire pour gagner sa subsistance et donc la valeur de l’argent. Par conséquent, sa parole manque de crédibilité.
Comme si l’argent facile était en soi un élément de soupçon.

Par ailleurs, le principe Talmudique du devoir d’entretenir notre monde est une règle impliquant chacun à avoir une activité économique. Une société dont la seule ressource serait le jeu et l’échange de monnaie sans création de valeur, ne peut prétendre à une stabilité sociale, ni à une distribution équitable des richesses.

Puis il est un autre domaine que le jeu détruit systématiquement : la vie personnelle. Car entretenir sa famille, partager du temps avec elle, dialoguer et construire un projet avec les membres de son entourage, sont autant d’activités dans lesquelles il faut s’impliquer quotidiennement pour espérer s’épanouir. Or le jeu confine bien souvent le joueur dans l’isolement, l’obsédant et le désintéressant des choses simples de la vie ; il finit par vivre dans une bulle qui l’empêche d’entretenir une vie saine.

Ce fléau touche, malheureusement, notre communauté de façon violente. Les joueurs ne sont plus assis autour d’une table pour partager un moment agréable entre amis ou pour se divertir, c’est désormais une obsession. Il se trouve que des familles se détruisent lentement, rencontrant inévitablement des pertes financières sévères.

Notre Paracha vient à point nommé pour nous faire prendre conscience du drame que constitue cette dérive. La banalisation de ce phénomène ne doit pas être acceptée, il nous faut être ferme et pédagogue envers nos jeunes afin de les préserver du jeu et leur transmettre la vertu de l’effort et de l’entretien de notre monde par le travail.