lundi 9 novembre 2009

Voyeurisme

Tout le monde connaît l’épisode la portion de la Torah relatant la destruction des villes de Sodome et Gomorrhe. Mais un détail m’a particulièrement interpellé… Lorsque l’ange est venu sauver le neveu d’Avraham, Loth, avec sa femme et leurs enfants, il leur donna pour dernière instruction très importante : « ne te retourne pas, de risque que tu sois également emporté par la destruction ». Et la Torah nous raconte que l’épouse de Loth s’est retournée et qu’elle fut donc transformée en statue de sel.

Et pourtant Avraham, lui, a bien regardé ce qu’il se passait pendant la destruction de ces villes, puisque que la Torah mentionne justement qu’ « il regardait sur la plaine et observait les villes monter en fumée ». Je me permets de poser la question : pourquoi Avraham a-t-il eu le droit de regarder, mais pas Loth ni sa famille ?

En fait, la Torah veut nous donner ici une règle de vie, concernant la douleur et le malheur des autres.

Combien d’individus peuvent passer devant des personnes affligées de chagrin sans réagir ? Pas plus tard qu’hier matin, sur mon chemin du retour de la radio vers la maison, une dame fut prise d’un malaise en plein milieu de la route, assise par terre, la tête entre ses mains… Pendant ce temps, les gens passaient devant elle dans l’indifférence la plus totale, sans que quiconque ne dise ni ne fasse quoi que ce soit ! Ils voyaient pourtant bien la souffrance de cette femme, mais ne s’arrêtaient pas pour autant pour tenter de lui prêter assistance.

Certains diront qu’ils n’ont rien vu… d’autres qu’ils n’avaient pas le temps… d’autres encore pensaient sûrement que ce n’était pas grave. Et pourtant, il n’y eut pas une parole à son égard, aucune proposition d’appel à l’aide pour elle, ni un regard de complaisance. Sauf le regard de voyeur, celui du passant qui observe juste d’un seul œil la souffrance de l’autre sans se sentir concerné et sans se donner le courage d’ouvrir le deuxième œil, qui l’obligerait à s’impliquer et à apporter son aide.
Non, lui préfère contempler d’un seul œil, en feignant l’ignorance. Quelle lâcheté, quel mépris pour autrui et pour la société qui nous entoure ? C’est bien vrai, j’en suis encore révolté !

L'indécence de cette indifférence n’est-elle pas assimilée à une statue de sel ? Statue sans vie, symbole de désolation ? En dédaignant la société qui l’entourait par un simple mouvement de tête en arrière, en regardant la souffrance et la destruction avec l’œil du voyeur, l’épouse de Loth a témoigné ici de son insensibilité. Elle qui voulait satisfaire son besoin personnel par le regard, ne sera même plus l’objet d’un regard ! Car la statue de sel manque d’esthétique pour susciter le moindre intérêt pour une société fascinée par le voyeurisme.

En revanche, Avraham a prié et demandé le pardon en faveur de Sodome et Gomorrhe ; il a regardé ces villes monter en fumée, mais encore une fois, en se mettant face à elles et en scrutant avec les deux yeux. Ce signe d’intérêt montrait ainsi qu’il assumait une certaine part de responsabilité. Il a prouvé qu’il n’était pas question de voyeurisme mais plutôt de compassion d’un homme responsable envers ses pairs.